
Un riche trois pauvres
de Louis Calaferte
Mise en scène collective
avec
Alain Brühl, Cécile Duval, Bruno Jouhet, Marie Lopès, Yves Menut
lumière
Laurent Beaufils
Nous avons décidé, d'un commun accord sous l'égide du Théâtre d'Or, de porter à la scène la pièce de Louis Calaferte Un riche trois pauvres parce que son propos nous semblait évident. En effet Calaferte croque la société dans une écriture sobre, féroce et décalée. Il en offre un panorama tragique tout en gardant de la distance et en se donnant cette liberté d'aller là où ça fait mal en évitant le pathos. C'est la notion de réel qui est ici questionnée et non le réel en tant que tel mais dans sa multiplicité de perceptions subjectives. De cette pièce éditée en 1986 chez Tarabuste, Calaferte
disait : « Un riche trois pauvres, il ne s'agit point tant d'originalité que de mise en forme spécifique de ce que la scène peut offrir dans ses possibilités... » Nous avons œuvré collectivement à cette création spatiale sans s'éloigner de son essence rythmique, musicale, polyphonique.
Louis Calaferte
Né le 14 juillet 1928 à Turin, en Italie, Louis Calaferte émigre avec sa famille, dans la banlieue lyonnaise, au début des années 1930. Il y vivra une enfance marquée par la pauvreté et la xénophobie. La guerre puis la découverte de l'esclavage salarié en usine à l'âge de treize ans le
marqueront à jamais. Requiem des innocents (1952), son premier livre, et C'est la guerre (1993), publié quelques mois avant sa disparition le 1er mai 1994, portent témoignage de ces années noires.
« L'homme est une saloperie », Louis Calaferte ne reviendra jamais sur ce jugement. La connaissance, alors même qu'il est encore au fond du gouffre, lui apparaît comme la seule issue de secours possible. Les six volumes qui composent ses carnets intimes — Le Chemin de Sion (1980), L'Or et le plomb (1981), Lignes intérieures (1985), Le Spectateur immobile (1990), Le Miroir de Janus (1993), Rapports (1996) — attestent de cette quête obstinée du savoir qui ira de pair, bientôt, avec une recherche spirituelle. Louis Calaferte n'aura de cesse de célébrer l'individu pour mieux condamner la « massification », ce mal qui, selon lui, ronge les sociétés occidentales. C'est dans Droit de cité (1992), un pamphlet écrit au vitriol, qu'il exprimera le mieux et plus clairement une pensée politique qui lui vaudra le qualificatif discutable « d'anarchiste chrétien ». Ni compromis ni compromission. Telle sera, en fait, la ligne de conduite de cet écrivain intraitable qui refusera de composer avec le système éditorial et de devenir, comme tant d'autres, un « écrivant ». Septentrion, récit violent et dénonciateur, marquera sa rupture avec les convenances sociales et littéraires. Interdit à la vente lors de sa première publication en 1963, Septentrion sera réédité en 1984 et deviendra un livre-culte. Cette interdiction, loin de le décourager, a conforté Louis Calaferte dans sa volonté de ne jamais faire la moindre concession à l'air du temps. De même, afin de mieux souligner sa distance avec le roman, s'attachera-t-il dans L'Incarnation (1987) et La Mécanique des femmes (1992) à proscrire le descriptif et à lui substituer une narration fragmentée. Son théâtre,
ironiste et cruel à la fois, obéit à la même volonté de briser les formes (Chez les Titch, 1971 ; Les Derniers Devoirs, 1981). Dix-huit récits, seize recueils de poésie, deux essais, trois tomes d'œuvres théâtrales, un livre d'entretiens avec Patrick Amine (Une vie, une déflagration, 1985), six volumes
de carnets intimes parus... Telle est la bibliographie provisoire de ce forcené de l'écriture qui, assiégé depuis 1988 par la maladie qui devait l'emporter, n'aura cessé d'écrire et de peindre jusqu'à son dernier souffle.
Louis Calaferte se moquait du succès et de la postérité. L'écrivain n'a de comptes à rendre qu'à sa conscience, estimait-il. Aussi avait-il accueilli avec scepticisme et humour, en 1992, le Grand Prix national des lettres attribué à l'ensemble de son œuvre. Il n'était pas insensible, en revanche, à
l'amitié que lui témoignaient les jeunes et fervents lecteurs qui se reconnaissaient dans les pages de feu et de lumière que dispensent ses livres
